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égoïste sans doute, mais vous me connaissez assez pour savoir qu’il ne faut pas attendre de moi des phrases qui ne soient pas brutalement dites.

DUARD.

Pourquoi vous accusez-vous de n’avoir pas toutes les délicatesses ? Vous les avez toutes, et par-dessus le marché vous avez cette qualité si française, si indispensable, le bon sens. Je me rappelle votre délicieux éclat de rire spontané, bon enfant, lorsque vous vous êtes décidée à sortir de cette retraite, à accepter ce que je vous offrais dans mon faible pouvoir. Autant vous avez mis de pudeur, de discrétion dans vos réticences, autant, quand la décision a été carrément prise d’accepter et de partager une vie de besogne, avec quelques chances de bonheur personnel, vous l’avez fait de belle et joyeuse humeur… comme un chien… vous permettez encore ?… un chien qui aurait été longtemps, longtemps malade et qui, tout à coup, revient à la vie, avec un petit jappement de plaisir.

GINETTE.

Cette comparaison n’est pas non plus pour me déplaire ! Merci ; j’aime bien avoir l’air d’un toutou, et je vous sais gré, dans l’expression de votre tendresse, de n’avoir employé jamais aucune comparaison romanesque… Je suis ce que je suis, pas grand’chose, mais j’ai l’intention de l’être en toute franchise et en toute affection, Jacques.

(Elle lui tend la main.)
DUARD, (parlant avec chaleur, même avec exaltation.)

Vous m’avez appris à n’être ni un sentimental, ni un romanesque ; vous m’avez appris à dépouiller en moi-même tout ce que j’avais d’éducation factice. C’est vous qui avez suscité en moi ces sentiments nouveaux,… qui…