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LE SOLDAT.

À votre santé !… Oui, à toutes, à toutes ! et du fond du cœur ! bon Dieu !

GINETTE, (prenant un verre.)

Oui, à la vôtre à tous… Si vous saviez la joie que je ressens à retrouver vos yeux, vos éclats de voix, votre rire ! Il me semble tout à coup que je suis encore parmi vous… Ça me fouette comme l’air du large ou de la montagne ! On respire… Je suis comme le vieux cheval de bataille qui entend un peu le clairon. À la France, mes amis, à la France ! Tant qu’il y en a, et tant qu’il en tient dans vos grands yeux et dans vos grosses pattes !…

(On trinque joyeusement, dans la fraternité complète de l’homme et de la femme.)
UN BLESSÉ, (s’approche d’elle.)

Pst… Mademoiselle… Vous dites que le cheval de bataille a besoin de réentendre le clairon… Eh bien, si des fois vous vous promenez le soir, après dîner, derrière la ville, près les petits bois sur la route en sortant de l’esplanade, écoutez bien, il y a un pépère, par là, qui, lui aussi, a besoin de se rappeler le bon temps… Alors, des fois, il tire de temps en temps quelques coups de gueuloir de cet instrument-là… dont il n’a jamais pu se séparer tout à fait.

UN BLESSÉ, (riant.)

C’est un ancien clairon du 121e. Il se ballade avec le clairon… et dans un étui… ! comme un musicien au cachet !…

LE CLAIRON.

Aujourd’hui, parbleu, il a fallu que je l’amène à la fête avec moi… Mais le soir… oh ! le soir… pour moi tout seul… dans la campagne, comme les gamins de 15 ans ! Seulement eux, ça ne leur