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l’image que tout être se fait de la Patrie… avec sur la bouche un nom, un seul… »

(Elle n’achève pas. Elle pousse un cri du fond des entrailles en même temps que du gosier de Ginette sort un autre cri, d’une toute autre expression, claire, extasiée.)
GINETTE.

Pierre ! Pierre !… Il a écrit cela !…

CÉCILE.

Il a osé l’écrire ! C’est là, c’est là !…

GINETTE.

Mon Pierre ! mon Pierre !…

CÉCILE.

Sa veuve ! elle est sa veuve !… Ah ! le lâche ! le lâche !

GINETTE, (les mains jointes, la tête levée.)

Mon Pierre ! mon héros !

CÉCILE.

Taisez-vous donc à la fin ! Allez-vous vous taire ! Tenez, voilà ce que j’en fais !

(Elle prend la lettre, la broie dans ses mains et la jette à terre.)
GINETTE, (se précipite.)

Je ne veux pas ! Donnez cela ! Non, non, vous n’avez pas le droit !

CÉCILE, (lui barre le passage et l’empêche de toucher à la lettre.)

Il a renié à la dernière heure sa famille, sa femme, son enfant… Il n’est pas mort en soldat ! il est mort en amant ! Pour une fille, il a tout trahi ! Ah ! vous vous valez tous les deux !

GINETTE.

Ne l’insultez pas, lui !… si noble ! si beau !