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Il a dû être chargé d’une reconnaissance extrêmement périlleuse. D’après mes renseignements, c’est lui-même qui aura réclamé cette mission qu’il a partagée avec un camarade, car ils sont partis à deux. Aucun n’est revenu.

GINETTE, (comme si elle recevait une secousse en pleine poitrine.)

Il l’a réclamée ? Vous êtes sûr qu’il l’a voulu ? D’où tenez-vous ces renseignements qui ne nous sont pas parvenus et qui nous auraient été transmis par l’administration militaire ?…

L’ENVOYÉ.

Si barbare que soit un peuple, si cruelle que soit la guerre, les ennemis n’en rendent pas moins quelquefois hommage à ceux qui sont tombés face à eux dans quelque expédition aventureuse… ils estiment que ceux-là ont le droit d’être honorés d’une tombe spéciale. Aussi à la funèbre nouvelle que je vous apporte, Mesdames, se joint la petite… la grande, très grande consolation… que Monsieur Bellanger est enterré par l’ennemi à côté du village de Beaumont avec une croix indicatrice. La fiche a été transmise à la Croix-Rouge de Genève par l’administration allemande. Et à la notice ont été joints, comme ils le font quelquefois en signe de respect, les objets appartenant à votre mari, sa plaque d’identité, ses breloques, et son portefeuille. Ils ont même poussé le respect jusqu’à remettre le gousset qui contenait de l’argent et une médaille. Je suis chargé de vous remettre ces précieuses reliques et c’est pourquoi je suis ici. Madame, il est des personnalités qui méritent et au-delà que ces reliques ne soient pas confiées à la poste ou à l’inconnu des bureaux. Nous avons prévenu l’administration militaire