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CÉCILE, (balbutie.)

Alors, pourquoi seriez-vous là ? Vous venez vous-même de me dire… que…

(Elle s’arrête.)
L’ENVOYÉ, (les yeux baissés.)

Vous n’avez jamais reçu aucune communication du bureau des recherches ?

CÉCILE.

Pourquoi ?… Ah ! la vérité ! vite… Blessé grièvement ?… Allons, allons… (Elle pousse une plainte affreuse.) Il est mort ! je sens qu’il est mort !…

GINETTE, (blême et lui serrant les bras.)

Cécile, du calme !… pour l’amour de Dieu.

CÉCILE.

Je vous dis qu’il est mort ! vous le voyez bien, il n’y a qu’à vous regarder ! Mais regardez-le, mais regardez-le ! tenez !

(Elle montre l’homme du doigt.)
L’ENVOYÉ, (d’un ton vif et grave.)

Et moi, Madame, je n’ai aussi qu’à vous regarder pour lire dans toute votre personne de quel courage supérieur vous êtes animée. Vous êtes à coup sûr de ces nobles femmes toutes prêtes au plus douloureux, au plus sublime des sacrifices !

CÉCILE.

Je suis veuve !

L’ENVOYÉ, (dans une attitude respectueuse et inclinée.)

Votre mari, Madame, a été un héros.

(Elle ne le laisse pas achever, les deux femmes se précipitent en hurlant dans les bras l’une de l’autre. Elles poussent en même temps le cri que des millions d’êtres ont poussé, dans de semblables chambres closes, partout sur la surface de la terre.)