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ractère tout particulier. Il est absolument nécessaire que je me trouve seul avec vous un instant.

(Ginette ne bouge pas.)
CÉCILE, (étonnée et faisant signe à Ginette de demeurer.)

Vous pouvez parler, Monsieur. Je vous présente ma cousine, infirmière à l’hôpital de la Croix-Rouge. Je n’ai pas de secrets pour elle. Parlez, je vous écoute.

(Silence tendu et pénible.)
L’ENVOYÉ, (parlant lentement et cependant en phrases préparées.)

Je fais partie, Madame, du service international de la Croix-Rouge et j’arrive de Genève même. Du reste, je m’adresse à une infirmière-major, vous êtes aussi au courant que moi de nos divers services. Par conséquent, vous ne pouvez ignorer que, dans certaines circonstances, la Croix-Rouge emploie des membres délégués auxquels on confie la mission de se rendre dans les familles distinguées où nous pouvons servir d’intermédiaires en quelque sorte… Oui, nous sommes ainsi quelques-uns qui nous sommes chargés volontairement d’apporter à des épouses, à des mères… dans les meilleurs cas, des renseignements, lorsque nous en possédons, sur des prisonniers… Dans les cas les plus tristes et les plus douloureux, nous apportons des reliques qui nous sont parvenues…

CÉCILE, (la voix blanche.)

Vous avez des nouvelles de mon mari, Monsieur ! Il est prisonnier ?

(Elle reste assise, accrochée au fauteuil, mais penchée et la tête tendue comme au-dessus d’un abîme.)
L’ENVOYÉ.

Il n’a jamais été prisonnier.

(Les deux femmes se lèvent brusquement en même temps.)