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PIERRE.

Et eux ! n’ont-ils pas leurs femmes, leurs enfants ! Je ne pouvais plus y tenir. Tu m’approuves, n’est-ce pas ?

CÉCILE.

Je ne peux pas le croire ! C’est une épreuve… Dis-moi que ce n’est pas vrai… Ou alors, que c’est un cas de conscience, un scrupule, appelons-le ainsi, comme tant d’hommes en agitent en ce moment. Dans ce cas, tu verras, tu verras… je te calmerai. C’est moi qui te ferai comprendre la vérité. Ginette est une enfant qui, souvent bien à tort et sans penser aux conséquences, a agité devant nous des idées de devoir et de sacrifice parfaitement exagérées… Mais d’ailleurs je m’abuse, ce ne sont pas les paroles d’une enfant qui ont pu t’impressionner !

PIERRE.

Non ! Ne cherche pas. C’est l’idée fixe, torturante du devoir. C’est devenu une obsession. Je ne peux plus attendre.

CÉCILE.

Mais, mon ami, mais, mon chéri, c’est bien compréhensible ! Parbleu, tu ne serais pas l’être que tu es, si tu n’éprouvais pas de la gêne, de l’ennui… Mais tu t’égares et tu ne vois plus juste du tout. Ton âge libère ta conscience. Tu n’as pas été pris pour le service armé. Je comprends ces scrupules chez des hommes encore jeunes…

PIERRE.

Je suis un homme en pleine vigueur. J’ai été soldat. On a l’âge de ses artères et de ses muscles.

CÉCILE.

Ah ! mais je ne veux pas ! Ah ! mais c’est im-