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poésie. Pour ceux qui comme moi et comme certains peintres déploraient le pré-raphaélisme de Burnes-Jones ou même de Gustave Moreau, de tous ces crimes artistiques perpétrés au nom des primitifs, je n’approchais qu’avec un respect religieux de nos grandes sources originelles. Aux heures où je délaissais mes pinceaux, c’est-à-dire à la lueur des bougies, j’entrepris mon travail, me faisant le serment d’intercaler pieusement dans le texte que j’imaginerais les phrases authentiques telles que les traducteurs nous les avaient livrées dans leur matière inculte et fruste. Ma ferveur était telle que je ne me serais pas permis une altération. Tout dans mon esprit, les moindres empreintes, expressions locales, refrains, devait garder sa saveur intacte. Quant à mon inspiration personnelle, c’était à moi de me faire une âme de primitif, une âme de poète populaire et de puiser dans la traduction assez de foi pour ne pas trahir les desseins modèles. J’entrevoyais la possibilité de faire naître une véritable forme rythmée de cette genèse lyrique, de cette ébauche originelle, mais surtout je voulais tenter un essai de tragique primordial et remonter à la puissance de ces grandes légendes qu’inspirèrent Eschyle et Sophocle. Le plan était, comme vous le voyez, bien ambitieux. Quand j’eus