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tua tous ses animaux. Le père Laverdure perdit deux de ses meilleurs chevaux. La malchance continua dans la Plaine. Un bon jour, les animaux tombèrent malades : il en mourut plusieurs, et, faute de nourriture, le lait des vaches tarit. On parla de « sorts », les plus chrétiens s’inclinèrent résignés sous la main qui les frappait si cruellement. C’était la misère noire pour tout le monde. C’est curieux dit Joseph, que ni vous, ni le père n’aviez jamais parlé de ça !

De tout le rang, notre ferme fut la moins éprouvée. Michel avait en réserve une bonne quantité de grain de la vieille récolte et le grenier à foin était encore à moitié rempli. Tous nos animaux nous restaient, et c’est à même l’argent fait avec ces produits que nous avons pu acheter tous les dimanches, au village, une couple de pains bruns que vous mangiez avec tant d’appétit.

Mais des malheurs pires que la pauvreté vinrent nous accabler et jeter le deuil dans la maison. En trois jours, Jacques et Rolland, vos petits frères, moururent de la diphtérie ; la petite Lucienne qui vint au monde dans ces jours de larmes, mourut aussi, quelques semaines après. Vous devinez la tristesse des mois qui suivirent. Dieu est bon, puisqu’il m’en a ôté le cruel souvenir ! Mais un jour de printemps où