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ceviez du larcin, reprit Antoine, vous disiez surprise : Pourtant, il me semble qu’il restait des tranches de pain à midi ! mais vous ne poussiez jamais l’enquête plus loin… Je suppose que vous aviez pitié de notre gourmandise.

La bonne vieille, sans répondre, alla coucher le petit Jacques dans la chambre voisine, et revint prendre sa berceuse. Joignant les mains sur ses genoux, et d’un air recueilli, elle dit, l’esprit au loin :

Chers enfants, que le bon Dieu vous préserve d’aussi terribles épreuves ! Cette année-là la récolte s’annonçait belle. Nous avions déjà cinq enfants autour de nous. Marie-Anne, l’aînée, allait sur ses treize ans, et m’aidait déjà comme une petite femme. Un dimanche après midi qu’il faisait une chaleur écrasante, le ciel se couvrit en un rien de temps, un vent froid s’éleva et le temps devint si sombre qu’on n’y voyait presque plus. Dans les champs les animaux étaient apeurés, et plusieurs érables de la cour se brisèrent sous le vent. Ensuite, la grêle tomba pendant une heure, drue et grosse comme des noix, et quand l’ouragan eut passé, il ne restait plus rien dans toute la Plaine de la récolte qui s’annonçait belle comme jamais. Le tonnerre tomba sur la grange du père Moisan et