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— Oui, il est trop utile pour s’en défaire, dit la mère. J’ai là-dedans plusieurs souvenirs de vos jeunes années.

On a rudement bien dormi autrefois, au fond de cette boite-là, fit Joseph, en tirant une énorme touche.

— J’te crois, répondit Antoine, tu ne sais pas ce qu’il me rappelle, à moi qui ne l’ai pas vu depuis si longtemps. Et, comme la réponse tardait à venir, il continua : J’avais à peu près l’âge de ton Pierre, on manquait souvent de pain à la maison, je crois même qu’on n’en voyait sur la table que le dimanche. La semaine, on mangeait de la galette de sarrasin et de blé. Vous en souvenez-vous, maman ?

L’aïeule inclina la tête en souriant, afin de ne pas réveiller le petit Jacques qui dormait dans ses bras.

Bien, ajouta Antoine, après dîner, quand vous alliez faire votre somme, je me faufilais vers la huche, et je raflais toutes les tranches de pain qui s’y trouvaient puis j’allais les cacher sous les couvertes, dans le sofa.

— Et la nuit, continua Joseph qui se ressouvenait, on mordait à belles dents dans la mie brune. L’argent était rare dans ce temps-là, n’est-ce pas, maman ?

— Au souper, quand vous vous aper-