Page:Bastiat - Proudhon - Interet et principal, Garnier, 1850.djvu/75

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

Je vous ai donc répondu, et j’ai dû vous répondre, sans entrer dans l’examen de votre théorie de l’intérêt, que si vous vouliez combattre utilement et sérieusement le Socialisme, il fallait l’attaquer en lui-même et dans ses propres doctrines ; que le Socialisme, sans nier d’une manière absolue la légitimité de l’intérêt considéré à un certain point de vue et à une certaine époque de l’histoire, affirmait la possibilité, dans l’état actuel de l’économie sociale, d’organiser par le concours des travailleurs un système de prêt sans rétribution, et par suite, de donner à tons la garantie du crédit et du travail. J’ai dit, enfin, que c’était là ce que vous aviez à examiner, si vous vouliez que la discussion aboutit.

Dans votre seconde lettre, vous avez péremptoirement refusé de suivre cette marche, alléguant que pour vous, et d’après mon aveu, l’intérêt ne constituant, dans son principe, ni crime ni délit, il était impossible d’admettre que le prêt pût s’effectuer sans intérêt ; qu’il était inconcevable qu’une chose pût être vraie et fausse tout à la fois ; bref, que tant que la criminalité de l’intérêt ne vous serait pas démontrée, vous tiendriez la théorie du crédit gratuit comme non avenue. Tout cela assaisonné de force plaisanteries sur la loi de contradiction, que vous ne comprenez point, et flanqué d’exemples très-propres, je l’avoue, à faire comprendre le mécanisme de l’intérêt, mais qui ne prouvent absolument rien contre la gratuité.

Dans ma réplique, je crois vous avoir prouvé, en me servant de votre propre méthode, que rien n’est moins rare, dans la société, que de voir une institution, un usage, d’abord libéral et légitime, devenir, avec le temps, une entrave à la liberté, et une atteinte à la justice ; qu’il en était ainsi du prêt à intérêt le jour où il était démontré que le crédit peut être donné à tous sans rétribution ; que d’ores et déjà, refuser d’examiner cette possibilité du crédit gratuit constituait un déni de justice, une offense à la foi publique, un défi au prolétariat. Je renouvelai donc auprès de vous mes instances, et je vous dis : Ou vous examinerez les diverses propositions du Socialisme ; ou je déclare que l’intérêt de l’argent, la rente de la terre, le loyer des mai-