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sive, prélevée par le capital sur tous les objets de consommation, j’aurai à me reprocher d’avoir, à mon insu, étançonné par mes argumens le plus ancien, le plus effroyable et le plus universel abus que le génie de la spoliation ai jamais imaginé, abus auquel ne se peuvent comparer, quant à la généralité des résultats, ni le pillage systématique des Peuples guerriers, ni l’esclavage, ni le despotisme sacerdotal. Une déplorable erreur économique aurait tourné contre la démocratie cette flamme démocratique que je sens brûler dans mon cœur.

Mais si l’erreur est de votre côté, si l’intérêt est non-seulement naturel, juste et légitime, mais encore utile et profitable, même à ceux qui le payent, vous conviendrez que votre propagande ne peut que faire, malgré vos bonnes intentions, un mal immense. Elle induit les travailleurs à se croire victimes d’une injustice qui n’existe pas ; à prendre pour un mal ce qui est un bien. Elle sème l’irritation dans une classe et la frayeur dans l’autre. Elle détourne ceux qui souffrent de découvrir la vraie cause de leurs souffrances en les mettant sur une fausse piste. Elle leur montre une prétendue spoliation qui les empêche de voir et de combattre les spoliations réelles. Elle familiarise les esprits avec cette pensée funeste que l’ordre, la justice et l’union ne peuvent renaître que par une transformation universelle (aussi détestable qu’impossible dans l’hypothèse) de tout le système selon lequel s’accomplissent depuis le commencement du monde le Travail et les Echanges.

Il n’est donc pas de question plus grave. Je la reprendrai au point où la discussion l’a amenée.

Oui, monsieur, vous avez raison. Comme vous dites, nous ne sommes séparés que par l’épaisseur d’une équivoque portant sur les mots usage et propriété. Mais cette équivoque suffit pour que vous croyiez devoir marcher, plein de confiance, vers l’Occident, tandis que ma foi me pousse vers l’Orient. Entre nous, au point de départ, la distance est imperceptible, mais elle ne tarde pas à devenir un abîme incommensurable.

La première chose à faire, c’est de revenir sur nos pas,