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que d’échange. Cela fait honneur au théologien économiste d’être arrivé, par la seule puissance de la déduction, aux mêmes résultats que M. Proudhon doit à la dialectique et à l’expérience réunies.

C’est un exemple de plus à l’appui de cette vérité, que quand un principe scientifique est nettement posé, il n’est pas difficile à un esprit sagace de découvrir toute la série des faits à laquelle ce principe se rattache, et qu’il résume en quelque façon.

Mais toute cette démonstration de l’immoralité de l’usure, tous ces calculs destinés à prouver par des chiffres l’avantage de son abolition, tout cela ne répond point à la question. L’intérêt des capitaux et la rente des immeubles sont illicites, cela est certain ; mais c’est un fait passé dans l’usage de toutes les nations, un fait qui n’est pas le pur résultat de la malice humaine, mais un fait produit par une sorte de nécessité sociale, qu’il dépendait des Peuples d’abréger, mais à laquelle ils ne pouvaient absolument point se soustraire. L’usure a toujours été, durant la période catholique, un péché dans le confessionnal ; jamais il n’a été une faute devant le comptoir du marchand. L’homme n’a pas d’absolution à en demander.

Durant toute la période que la révolution sociale a pour objet de clore, l’anarchie a régné dans le monde économique, la centralisation a fait défaut aux transactions, l’usage du numéraire a prévalu, l’échange et le travail sont devenus les esclaves du monopole. Dans ces conditions sorties du sein de la liberté, liberté peu éclairée, nous l’accordons, mais enfin liberté infaillible, l’intérêt du prêt était-il licite ? Si l’on répond non d’une manière absolue, il ne faut point hésiter : ce n’est plus à la liberté qu’il faut demander la réalisation du crédit mutuel ; il doit être, à l’instant même, par décret de l’État, rendu obligatoire, et une pénalité doit être prononcée contre quiconque se rend coupable d’usure.

Or, une pareille obligation est impossible. Nous croyons trop à l’intelligence de nos lecteurs pour qu’il soit nécessaire d’en déduire ici les raisons. Disons seulement qu’à un fait résultant de la liberté, on ne peut qu’opposer un autre