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souliers tout de suite, je vous ferai le chapeau dans un an. — J’y consens, répond A ; mais dans un an, vous me donnerez une semaine et deux heures.

Je ie demande à tout homme de bonne foi, A fait-il acte de piraterie en plaçant une nouvelle condition à son profit à côté d’une nouvelle condition à sa charge ?

Ce fait primitif contient en germe toute la théorie du crédit.

Je sais que, dans la société, les transactions ne sont pas aussi simples que celle que je viens de décrire ; mais elles sont identiques par-leur essence.

Ainsi, il est possible que A vende les souliers à un tiers pour 10 fr. et remette cette somme à B, en lui disant : Donnez-moi le chapeau immédiatement, ou, si vous voulez un délai d’un an, vous me restituerez une semaine de travail, plus deux heures, ou bien 10 fr., plus un vingtième en sus. Nous rentrons tout à fait dans l’hypothèse précédente.

D’accord, je l’espère du moins, sur la légitimité du crédit, voyons maintenant à quels arrangements il peut donner lieu.

B peut n’avoir pris qu’un engagement verbal, et cependant il n’est pas impossible que A ne le transmette et ne l’escompte. Il peut dire à C : Je vous dois 10 fr. B m’a donné sa parole qu’il me donnerait 10 fr. et 10 sous dans un an. — Voulez-vous accepter en payement mes droits sur B ? — Si C a confiance, s’il croit, l’opération pourra se faire. Mais qui oserait dire que, pour multiplier les souliers et les chapeaux, il suffit de multiplier les promesses de ce genre, indépendamment de la confiance qui s’y attache ?

B peut livrer un titre écrit. Le titre, sous cette forme, évitera les contestations et dénégations ; il inspirera plus de confiance et circulera plus facilement que la promesse verbale. Mais ni la nature ni les effets du créait n’auront changé.

Enfin un tiers, une Banque, peut garantir B, se charger de son titre et émettre à la place son propre billet. Ce sera une nouvelle facilité à la circulation. Mais pourquoi ? précisément parce que la signature de la Banque inspire au