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s’en procure, contre son obligation, auprès du banquier, moyennant une prime plus ou moins considérable, appelée escompte. — L’escompte se compose de deux parties : la commission, qui est le salaire du service rendu par le banquier, et l’intérêt. Nous dirons tout à l’heure ce que c’est que l’intérêt.

Tantôt l’acheteur n’a ni produit, ni argent à donner en échange du produit ou capital dont il a besoin ; mais il offre de payer dans un certain laps de temps, en un ou plusieurs termes. Dans les deux cas sus-mentionnés la vente était au comptant ; dans celui-ci, elle a lieu à crédit. Ici donc, la condition du vendeur étant moins avantageuse que celle de l’acheteur, on compense l’inégalité en faisant porter au produit vendu, et jusqu’à parfait payement, un intérêt. C’est cet intérêt compensatoire, origine première de l’usure, que j’ai signalé dans une de mes précédentes lettres pomme l’agent coërcitif du remboursement. Il dure autant que le crédit ; il est la rémunération du crédit : mais il a surtout pour objet, notez ce point, d’abréger la durée du crédit. Tel est le sens, la signification légitime de l’intérêt.

Souvent il arrive, et c’est l’extrémité où se trouvent généralement les travailleurs, que le capital est absolument indispensable au producteur, et que cependant celui-ci n’espère pouvoir de longtemps, ni par son travail, ni par son épargne, bien moins encore par les sommes de monnaie dont il dispose, en recomposer l’équivalent, en un mot, le rembourser. Il lui faudrait vingt ans, trente ans, cinquante ans, un siècle quelquefois ; et le capitaliste ou propriétaire ne veut point accorder un si long terme. Comment sortir de cette difficulté ?

Ici commence la spéculation usuraire. Tout à l’heure nous avons vu l’intérêt imposé au débiteur comme indemnité du crédit, et moyen de hâter le remboursement : à présent nous allons voir l’intérêt cherché pour lui-même, l’usure pour l’usure, comme la guerre pour la guerre, ou l’art pour l’art. Par convention expresse, légale, authentique, consacrée par toutes les jurisprudences, toutes les légis-