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à-vis de lui-même, à ses risques et périls ; et cette estimation, pour ainsi dire unilatérale, constitue son capital, ou sa mise de fonds : c’est la première chose dont il soit passé écriture.

Nous savons ce qu’est le capital : il s’agit maintenant de tirer les conséquences de cette notion, en ce qui concerne l’intérêt. Ce sera peut-être un peu long, quant à l’exposé, mais très-simple de raisonnement.

Les produits s’échangent contre des produits, a dit J.-B. Say ; ou bien, les capitaux s’échangent contre des capitaux ; ou bien encore, les capitaux s’échangent contre des produits, et vice versâ : voilà le fait brut.

La condition absolue, sine quâ non, de cet échange, ce qui en fait l’essence et la règle, est l’évaluation contradictoire et réciproque des produits. Otez de l’échange l’idée de prix, et l’échange disparaît. Il y a transposition ; il n’y a pas transaction, il n’y a pas échange. Le produit, sans le prix, est comme s’il n’existait pas : tant qu’il n’a pas reçu, par le contrat de vente et d’achat, sa valeur authentique, il est censé non avenu, il est nul. Voilà le fait intelligible.

Chacun donne et reçoit, d’après la formule de J.— B. Say, énonciative du fait matériel ; — mais, d’après la notion du capital, telle que nous la fournit l’analyse, chacun doit donner et recevoir une valeur égale. Un échange inégal est une idée contradictoire : le consentement universel l’a appelé fraude et vol.

Or, de ce fait primitif que les producteurs sont entre eux en rapport perpétuel d’échange, qu’ils sont les uns pour les autres, tour à tour et tout à la fois, producteurs et consommateurs, travailleurs et capitalistes ; et de l’appréciation numériquement égalitaire qui constitue l’échange, il résulte que les comptes de tous les producteurs et consommateurs doivent se balancer les uns les autres ; que la société, considérée au point de vue de la science économique, n’est autre chose que cet équilibre général des produits, services, salaires, consommations et for-