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tout à coup en celle de capital ? Voilà ce que les économistes ne disent pas, ce qu’ils ne savent point, je dirai même, ce qu’aucun d’eux ne se demande.

C’est ici que se place une idée intermédiaire, dont la vertu particulière est de convertir le produit en capital, comme, au souffle du vent d’ouest, la neige tombée à Paris ces jours derniers est passée à l’état de liquide : cette idée est l’idée de valeur.

Voilà ce qu’entrevoyait J. Garnier quand il définissait le Capital une somme de valeurs consacrées à faire des avances à la production ; — ce que vous sentiez vous-même, quand vous cherchiez la notion de Capital, non pas simplement, avec J. B. Say, dans l’accumulation des produits, ni avec Rossi, dans l’épargne destinée à la reproduction, mais dans la partie non consommée du salaire de l’ouvrier, c’est-à-dire évidemment dans la valeur de son travail ou produit.

Cela veut dire que le Produit, pour devenir Capital, doit avoir passé par une évaluation authentique, avoir été acheté, vendu, apprécié, son prix débattu et fixé par une sorte de convention légale. En sorte que l’idée de capital indique un rapport essentiellement social, un acte synallagmatique, hors duquel le produit reste produit.

Ainsi le cuir, sortant de la boucherie, est le produit du boucher ; quand vous en empliriez une halle, ce ne serait jamais que du cuir, ce ne serait point une valeur, je veux dire une valeur faite ; ce ne serait point capital, ce serait toujours produit. — Ce cuir est-il acheté par le tanneur ? Aussitôt celui-ci le porte, ou, pour parler plus exactement, en porte la valeur à son fonds d’exploitation, dans son avance, conséquemment la répute capital. Par le travail du tanneur, ce capital redevient produit ; lequel produit acquis à son tour, à prix convenu, par le bottier, passe de nouveau à l’état de capital, pour redevenir encore, par le travail du bottier, produit. Ce dernier produit n’étant plus susceptible de recevoir une façon nouvelle, sa consommation est dite, par les économistes, im-