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chanteur s’efforcer vainement de rappeler dans sa mémoire les mots du chant qu’il voulait nous faire connaître, et ne parvenir à les retrouver qu’en retrouvant la mélodie.

Quelquefois l’air et les paroles naissent simultanément : l’inventeur de la poésie, dans les traditions cambriennes, est aussi l’inventeur de la musique. Quelquefois l’air est ancien.

Le rhythme est comme l’aile du poëte populaire ; le rhythme l’enlève et le soutient dans son essor. Il ne pourrait composer sans fredonner un air qui lui donne la mesure ; tous, excepté peut-être les kloer et les prêtres, qui suivent pourtant une méthode semblable à celle de nos autres poëtes populaires, ignorent ce que c’est que la prosodie : plusieurs nous l’ont souvent avoué. Ils sentent, disent-ils, instinctivement, qu’ils doivent se conformer rigoureusement au ton, sous peine de blesser l’oreille et l’harmonie ; se reposer quand il se repose, s’arrêter quand il s’arrête ; faire accorder ensemble certaines finales qui suivent certains repos, et que l’air leur indique ; leur science ne va pas plus loin.

La prosodie bretonne est donc fondée sur le mètre et la rime. Les vers s’assemblent de manière à former des disques ou des quatrains de mesure égale. Ces vers ont trois, cinq, six, sept, huit, neuf, douze, et jusqu’à treize et quinze syllabes. Ceux de douze, comme en français, ont une césure au sixième pied ; ceux de treize syllabes, tantôt au sixième, tantôt au septième ; ceux de quinze, au huitième. Chaque hémistiche, chaque vers, chaque strophe, doit offrir un sens complet, et n’enjamber jamais sur l’hémistiche, le vers, ou la strophe suivante. C’est bien le caractère rhythmique d’une poésie faite pour être entendue et retenue par cœur. Les rimes ne se croisent point comme dans la poésie écrite ; au moins ne connais-