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« J’ai été partout et je sais tout. » Les jeunes filles en ont grand’peur, et goûtent peu, quoiqu’elles soient sans danger, leurs privautés lutines. Le paysan, en général, les redoute pourtant moins que les fées : il les brave volontiers et s’en rit, s’il fait jour, ou s’il a pris la précaution de s’asperger d’eau bénite ; il leur attribue la même haine qu’aux fées pour la religion ; mais cette haine prend une tournure plutôt malicieuse et comique que méchante. On dit, à ce sujet, qu’on les a surpris, au brun de nuit, commettant en rond et en se tenant par la main, avec mille éclats de rire diaboliques, certains actes moitié sérieux, moitié plaisants, mais toujours fort impies et cyniques… au pied des croix des carrefours.

Telle est, d’après la tradition actuelle, la physionomie des nains bretons ; plusieurs des traits qu’elle présente leur sont communs avec les génies des autres peuples, particulièrement avec les courètes et carikines[1] dont le culte, importé par les navigateurs phéniciens, existait encore dans la Gaule et dans l’île de Bretagne, au troisième siècle de notre ère[2].

La mythologie phénicienne nous ramène donc à la mythologie celtique ; les carikines et courètes de l’Asie, aux korrigan et korred bretons.

Les anciens bardes, en nous faisant connaître la déesse Koridgwen, l’associent à un personnage mystérieux qui a beaucoup d’affinité avec nos nains. Ils l’appellent Gwion, l’esprit, et le surnomment le nain[3]. Son existence se trouva liée d’une façon assez étrange à celle de la déesse.

  1. Strabon, X, p. 466 et seq. 473.
  2. Idem, p. 198, et Diodore de Sicile, IV, 56.
  3. Myvyrian, t. I, p. 17.