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NOTES ET ÉCLAIRCISSEMENTS.


Cette façon de dire que le chevalier, trahi dans ses affections terrestres, tourna ses pensées vers le ciel en prenant la Vierge pour dame, est ingénieuse et charmante. La manière dont il apprend son malheur par la rencontre fortuite des joyeux étrenneurs n’est pas moins curieuse. On donne le nom d’étrenneurs à des mendiants qui se réunissent toutes les nuits par troupes, à l’époque de Noël, en plusieurs cantons des montagnes, et vont de village en village demander l’aumône, en chantant une chanson dont le refrain est : Eghinad d’é ! eghinad d’é ! par contraction, Eghina' né (Étrennes à moi ! étrennes à moi !) lequel refrain, changé en Aguilaneuf, hors de la Bretagne, devait faire longtemps le désespoir des étymologistes. Leur quête achevée, les pauvres la chargent sur un vieux cheval, et l’apportent chez l’un d’entre eux, où ils font festin.

Mais la fiancée crut-elle véritablement à la mort du chevalier ? ne mentait-elle pas, en peignant le combat naval où il devait avoir péri ? Ce qu’il y a de certain, c’est que, l’année même dont il est question, une flotte bretonne battit une flotte anglaise à quelques lieues de Brest. « Le combat fut terrible, dit l’historien célèbre des ducs de Bourgogne, et animé par la vieille haine réciproque des Anglais et des Bretons. » Le chevalier pouvait s’y trouver. Son séjour et celui de ses compagnons de guerre chez les Bretons du pays de Galles expliqueraient aussi pourquoi l’on rencontre dans notre ballade une strophe tout entière d’une chanson nouvellement composée, et très en vogue chez les Gallois à l’époque où il y était. Le héros et l’auteur de la chanson galloise, qui est le barde Daviz-ap-Gwilym, joue un rôle semblable à celui du héros de la ballade bretonne, quand ce dernier prend congé de sa maîtresse : « — Ma charmante, lui dit-il, ô toi qui brilles comme les champs que blanchit le duvet des plantes, j’aperçois la lumière du jour à travers les fentes de la porte. — C’est la nouvelle lune, et les étoiles qui scintillent, et la réflexion de leurs rayons sur les piliers. — Non, ma belle, le soleil luit ; il fait grand jour. » Le génie de Shakspeare devait éterniser cette scène dans Roméo et Juliette :

Tis not the lark it is the nightingale.


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