Page:Barzaz Breiz 4e edition 1846 vol 1.djvu/39

Cette page a été validée par deux contributeurs.

depuis le plus petit jusqu’au plus grand. Or ce chef de race sera l’un des plus grands d’entre les guerriers de la terre et n’aura point d’égal parmi les guerriers du ciel : la première moitié de sa vie appartiendra au siècle, la seconde moitié appartiendra à Dieu. »

En quittant le monde sur la fin de sa vie pour entrer dans le cloître, Judik-Hael, fils de Jud-Hael, réalisa la prédiction de Taliesin et contribua beaucoup à étendre la renommée du poëte en Armorique.

D’autres bardes, et en grand nombre, y émigrèrent comme lui. Deux des plus célèbres, saint Sulio et Hyvarnion, y moururent. La vocation poétique du premier, que les Gallois appellent saint Y-Sulio, et dont ils ont un recueil de poésies en partie publié, se décida et fut assurée d’une manière assez singulière.

Il jouait un jour avec ses frères dans les jardins de son père, comte de Powys, quand il entendit au dehors les sons d’un instrument de musique mêlés à des chants. C’étaient des moines qui passaient, leur abbé à leur tête, une harpe à la main, en chantant les louanges de Dieu. Le saint enfant fut si ravi de la beauté de leurs hymnes, qu’il dit à ses frères : « Retournez à vos jeux, vous autres ; pour moi, je m’en vais avec ces personnes-ci, car je veux apprendre d’elles à composer de beaux cantiques comme elles en savent faire. » Il suivit les moines, et ses frères coururent annoncer sa fuite à leur père, qui envoya trente hommes armés avec ordre de tuer l’abbé et de lui ramener son fils. Mais les religieux l’avaient prévenu en envoyant l’enfant dans un monastère d’Armorique, dont plus tard il devint prieur[1].

  1. D. Lobineau, Vie des saints de Bretagne, p. 253, 2e éd., t. I, et le Myvyrian, t. I, p. 200.