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l’amour de la vertu et de la sagesse. Ils doivent tenir un registre de chaque action mémorable, soit de l’individu, soit de la tribu ; de tous les événements du temps, de tous les phénomènes de la nature, de toutes les guerres, de toutes les victoires ; ils sont chargés de l’éducation de la jeunesse ; ils ont des franchises particulières ; ils sont mis de niveau avec le chef et l’agriculteur, et regardés comme un des trois piliers de l’existence sociale[1].

Quoi qu’il en soit, cette institution paraît s’être conservée plus longtemps et plus purement chez les Bretons insulaires que chez les Gaulois, parmi lesquels elle avait été importée, dit-on[2], puisque César nous apprend que quiconque aspirait à connaître à fond les mystères de la science devait aller les apprendre de la bouche des bardes de l’île de Bretagne.

L’Armorique souffrait néanmoins exception ; bien qu’elle fit partie de la Gaule, et qu’elle en parlât l’idiome[3], sa position géographique, ses forêts, ses montagnes et la mer l’avaient mise à l’abri des influences étrangères, et ses bardes conservaient encore au quatrième siècle de l’ère chrétienne leur caractère primitif.

Ausone connut l’un d’eux qui était prêtre du Soleil, comme les bardes insulaires dont parle Hécatée : « C’était, dit-il, un vieillard ; il se nommait Phœbitius ; il composait et chantait des hymnes[4] en l’honneur du dieu Bélen ; il appartenait à une famille de druides de la nation armoricaine. »

Mais ces poëtes ne devaient pas tarder à dégénérer : Ausone semble l’insinuer, quand il fait observer

  1. Myvyrian, t. III, p. 291.
  2. In Galliam translata esse existimatur. (Cæsar, lib. VI.)
  3. Non usquequaque utuntur lingua, sed paululum variata. (Strabon, Géog.)
  4. Beleni Ædituus. V., sur le sens à donner à ce mot, Horace, ép. II, I, 230.