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NOTES ET ÉCLAIRCISSEMENTS.


Dans les plus anciennes traditions bretonnes, les morts reparaissent souvent sur la terre sous la poétique forme d’oiseaux. Cette opinion était particulièrement en vogue au dixième siècle, époque où notre chant fut composé ; un barde gallois de ce temps nous l’atteste[1].

La circonstance du déguisement que prend le messager de Bran pour traverser plus sûrement les pays étrangers ; l’anneau d’or qu’il emporte et qui doit le faire reconnaître ; la perfidie de son geôlier, le pavillon noir, le pavillon blanc, tout cela a été emprunté à notre ballade par l’auteur du roman de Tristan, trouvère du douzième siècle, qui eut souvent recours pour la composition de son ouvrage aux chanteurs populaires bretons, comme il l’avoue lui-même[2]. Ce fait lui seul attesterait l’antiquité de la tradition armoricaine, quand bien même elle ne serait pas aussi répandue chez les Bretons du pays de Galles qu’elle l’est sur le continent. Une autre circonstance fort curieuse, est la mention expresse de joueurs de harpe dans le château des seigneurs bretons. La harpe n’est plus populaire en Armorique ; on se demande même si elle le fut jamais. Maintenant il n’est plus douteux qu’elle y ait été en usage. Nos Actes en fournissent d’ailleurs d’autres preuves que je m’étonne de n’avoir jamais vues citées. L’un d’eux, passé dans la cour du vicomte de Donges, au onzième siècle, est signé d’un officier laïque de cette cour, appelé Berhald, qui s’intitule joueur de harpe, Telenerius[3], terme latinisé du breton telener. Un autre acte de l’an 1009, passé au château d’Auray, par le comte Hoel, prouve que ces musiciens occupaient à la cour des chefs armoricains le même rang honorable que dans celle des princes gallois contemporains, car un joueur de harpe nommé Kadiou (Kadiou Citharista] signe avant sept moines, dont deux abbés crossés[4].


  1. Myvyrian, Archeology of Wales, 1. 1, p. 175.
  2. V. l’Essai sur l’origine des épopées chevaleresques de la Table ronde. Contes populaires des anciens Bretons, t. I, p. 102.
  3. D. Morice, Histoire de Bretagne, Preuves, t. I, col. 494.
  4. Cartular. Kemperleg., ap. D. Morice, Preuves, t. I, col. 432.