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NOTES ET ÉCLAIRCISSEMENTS.


La Peste d’Elliant ne se chante jamais sans qu’on y joigne la légende que voici :

« C’était jour de pardon au bourg d’Elliant ; un jeune meunier, arrivant au gué avec ses chevaux, vit une belle dame en robe blanche, assise au bord de la rivière, une baguette à la main, qui le pria de lui faire passer l’eau. — Oh ! oui, sûrement, madame, répliqua-t-il ; et déjà elle était en croupe sur sa bête, et bientôt déposée sur l’autre rive. Alors, la belle dame lui dit : — Jeune homme, vous ne savez pas qui vous venez de passer : je suis la Peste. Je viens de faire le tour de la Bretagne, et me rends à l’église du bourg, où l’on sonne la messe ; tous ceux que je frapperai de ma baguette mourront subitement ; pour vous, ne craignez rien, il ne vous arrivera aucun mal, ni à votre mère non plus. »

Et la Peste a tenu parole, me faisait observer naïvement un chanteur ; car la chanson le dit :


« Tout le monde a péri, excepté deux personnes :
Une pauvre vieille et son fils. »


« Savez-vous, nous disait un autre, comment on s’y prit pour lui faire quitter le pays ? On la chanta. Se voyant découverte, elle s’enfuit. Il n’y a pas plus sûr moyen de chasser la Peste que de la chanter ; aussi, depuis ce jour, elle n’a pas reparu. »

Comme nous l’avons déjà dit, la Peste d’Elliant a conservé le ton prophétique de la poésie des anciens bardes, et quelques traces de la forme artificielle qu’ils donnaient à leurs chants. Par exemple, on a remarqué que les strophes 1, 2, 3, 4, 9, 10 et 19 sont des tercets, et que la strophe 4 est allitérée. Si l’on se rappelle maintenant ;

1° Que dans la poésie populaire de là Bretagne, les chants sont toujours contemporains des faits qu’ils célèbrent ;

2° Que les chanteurs ne savent ni lire ni écrire, et qu’ils n’ont par conséquent aucun autre moyen de transmettre à la postérité les événements de leur temps que de les mettre en vers aussitôt qu’ils se sont passés ;

3° Que l’événement ici relaté a eu lieu au sixième siècle, dans la paroisse d’Elliant ;

4° Que le poète populaire nomme comme un contemporain, un