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Les marins gallois de la baie de Cardigan, qui occupe aujourd’hui, assure-t-on, le territoire submergé, prétendent voir sous les eaux des ruines d’anciens édifices ; ceux de la baie de Douarnenez, en basse Bretagne, ont la même prétention. « Il se trouve encore aujourd’hui, disait, au seizième siècle, le chanoine Moreau, des personnes anciennes qui osent bien asseurer qu’aux basses marées, estant à la pesche, y avoir souvent vu des vieilles maseures de murailles[1]

Enfin, selon Giraud de Barry, les pêcheurs irlandais, d’une époque bien antérieure, du milieu du douzième siècle, croyaient voir briller, sous les eaux du lac qui recouvre leur ville engloutie, les tours rondes des anciens jours[2].

Ainsi, dit poétiquement Thomas Moore ; ainsi, « dans ses songes « sublimes, la mémoire souvent surprend un rayon du passé ; « ainsi, soupirant, elle admire à travers les vagues du temps les gloires évanouie qu’il couvre[3]. »

Je cite ces différentes fables pour montrer quelles racines profondes la tradition primitive dont elles découlent a laissées dans les imaginations celtiques.

Quant aux traditions relatives à Gradlon en particulier, il en est deux surtout de nature à éclaircir certains points du poëme ; l’une nous a été conservée par un écrivain du neuvième siècle, l’autre par un poëte du douzième. La première tendrait à faire croire que le chef breton n’était pas tout à fait à l’abri du reproche qu’adresse à ses compagnons de table le moine Gwénolé au commencement du poëme qu’on a lu, car elle lui attribue l’importation du vin en Cornouaille[4]. La seconde regarde le fidèle coursier de Gradlon. Marie de France assure qu’en fuyant à la nage, il perdit son maître, dont une fée sauva la vie, et qu’il devint sauvage de chagrin : les Bretons, ajoute-t-elle, mirent en complainte la départie du cheval et du cavalier :

  1. Histoire de la Ligue en Bretagne, p. 10.
  2. « Piscatores aquae illius turres ecclesiasticas, quæ more patriae arctae sunt et altae, necnon et rotundae, sub undis manifeste, sereno tempore, conspiciunt, et extraneis transeuntibus reique causas admirantibus frequenter ostendunt.) Topog. Hyberniae, dist. 11, c. IX.)
  3. Irish melodies, p. 36.
  4. Nesciebant usum vini a quo tempore Gradlonus appellatus magnus… Britanniae sceptrum tenebat. (Gurdestinus, ad ann. 818 ; Cartular. Landeven., Lobineau, t. I col. 17.)