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INTRODUCTION

il suffit qu’il signale les traits saillants, et qu’il les mette dans un jour tel qu’ils puissent frapper l’esprit et se graver dans l’âme. Quelquefois la nature l’inspire à rendre l’art jaloux ; mais le plus souvent, enfermé sans guide dans le dédale de la routine, il est impuissant à se faire à lui-même des ailes pour s’envoler.

Homère, lui seul, en sortit. Des régions banales de la poésie vulgaire il sut s’élever jusqu’aux sommets les plus sublimes de l’art ; mais encore est-il juste de remarquer qu’il est fort souvent monotone comme tous les poètes populaires.

Ainsi, que ses acteurs aient à parler ou à agir, il les met constamment en scène de la même manière. Il emploie mille fois la même forme, il répète mille fois le même vers entier. Ses hérauts rapportent littéralement les messages des chefs. Ses épithètes sont presque toutes tirées de la nature, et se reproduisent uniformément : Minerve a des yeux bleus, Junon des yeux de génisse, les Grecs de belles cnémides ; la mer est toujours verte, le ciel toujours profond, la terre toujours vaste.

Tous les poètes populaires offrent les mêmes formes, la même allure, les mêmes épithètes naturelles, pour ainsi dire stéréotypées. Nous n’en citerons pas d’exemples, ce recueil en offrira un trop grand nombre. Nulle variété dans la combinaison des matériaux mis en œuvre ; la lyre rustique est un instrument incomplet. Le rébek breton n’avait que trois cordes, la guzla servienne n’en a qu’une.

La chanson de fête et d’amour n’est ni aussi rude, ni aussi négligée, ni aussi décousue que le chant historique. Quelquefois elle revêt la forme de l’ode anacréontique, le plus souvent celle de l’idylle ou de l’églogue. C’est le dialogue de la ballade roulant sur un thème d’amour, moins le prologue, le dénoûment et les notes incidentes. Ici le poète est toujours en scène ; il est acteur : ce sont le plus souvent les émotions, les craintes, les espérances, les tristesses, les mécomptes ou les joies de son cœur