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xxi
INTRODUCTION.

Il jouait un jour avec ses frères dans les jardins de son père, comte de Powys, quand il entendit au dehors les sons d’un instrument de musique mêlés à des chants. C’étaient des moines qui passaient, leur abbé à leur tête, une harpe à la main, en chantant les louanges de Dieu. Le saint enfant fut si ravi de la beauté de leurs hymnes, qu’il dit à ses frères : « Retournez à vos jeux, vous autres ; pour moi, je m’en vais avec ces personnes-ci, car je veux apprendre d’elles à composer de beaux cantiques comme elles en savent faire. » Il suivit les moines, et ses frères coururent annoncer sa fuite à leur père, qui envoya trente hommes armés avec ordre de tuer l’abbé et de lui ramener son fils. Mais les religieux l’avaient prévenu en envoyant l’enfant dans un monastère d’Armorique, dont plus tard il devint prieur[1].

Hyvarnion, d’une classe inférieure à celle de saint Sulio, paraît n’avoir quitté l’île de Bretagne que pour chercher sur le continent, où la paix la plus grande régnait, disait-on, les moyens d’exercer son art en pleine sécurité.

« Comme il estoit, dit Albert le Grand, parfaict musicien et compositeur de balets et chansons, le roy Childebert, qui se délectoit à la musique, l’appointa en sa maison et lui donna de grands gages. » Mais ce ne fut pas la seule cause qui le fixa en Armorique : une nuit, continue le naïf traducteur, il songea qu’il avoit espousé une jeune vierge du païs. Un ange lui estoit apparu en lui disant : Vous la rencontrerez demain, sur votre chemin, près de la fontaine : elle s’appelle Rivanone[2]. »

Cette jeune fille était de la même profession que lui[3] ; il la rencontra en effet près de la fontaine : il l’épousa et eut d’elle un fils nommé Hervé, qui naquit aveugle, et chantait, dès

  1. D. Lobineau, Vie des saints de Bretagne, p. 253, 2e édit, t. I, et le Myvyrian, t. I, p. 200.
  2. Vie des saints de Bretagne, p. 145. Cf. La Légende celtique, 3e édition, et la vieille légende latine du Portefeuille des Blancs-Manteaux, t. XXXVIII, fol. 857.
  3. D. Lobineau, ibid., p. 264. Cf. La Légende celtique.