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LE RETOUR D'ANGLETERRE.

l’amant supplanté; mais l’amour qu'elle avait juré à son mari ne passait pas. Elle en gardait toujours le gage, qui la suivait jusque dans la tombe, comme un emblème d'éternelle foi.

La mère de Silvestik avait aussi son nœud de rubans; mais il ne lui ramena point son fils : la colombe messagère ne lui rapporta qu'un rameau d'espérance trompeuse, que la tempête devait effeuiller avec ses derniers beaux jours et ses dernières joies maternelles.

Dans la poésie populaire de toutes les nations celtiques les oiseaux servent de messagers : j'ai entendu chanter en Galles une chanson où un jeune homme parle ainsi à un merle :

« Oiseau noir au bec jaune (aderyn du beg melyn), va de ma part jusqu'à la maison qui est là-bas, avec cette lettre sous ton aile : elle est pour la jeune fille à qui j’ai donné mon amour. »

Une ronde française recueillie, en haute Bretagne, par le docteur Fouquet, m’offre le même motif, avec le rossignol à la place du merle. Sur les frontières du Maine l’alouette partage leur fonction.

M'amie reçoit de mes lettres
Par l’alouette des champs.
Et elle m'envoie les siennes
Par le rossignol chantant.

Mais les poésies d'origine celtique ne sont pas les seules qui confient de doux messages aux oiseaux; de la Normandie à la Lorraine, ils font cet office près des amoureux; ils le font en Italie, en Espagne et en bien d'autres pays. Chez nos Flamands de France (pour me borner à nous), le messager ailé est petit de corps et blanc de plumage, sans qu'on le dépeigne autrement : « Un petit oiseau, blanc comme neige, se balançait sur une branche d'épine : — Veux-tu être mon messager? — Je suis trop petit, je ne suis qu'un petit oiseau. — Il prit le billet dans son bec, il l’emporta en s’envolant[1]. » On mesure la distance qu'il y a de ces petits courriers emplumés à la mère-colombe, portant suspendue à son cou par le lien le plus sacré le message d’une autre mère. C'est la différence qui existe entre la fiction légère et la réalité poignante; où l’une glisse l’autre appuie, et creuse jusqu'aux sources mêmes de l’émotion vraie; celle-ci ne finit-elle point par jaillir à la vue des yeux éteints que personne n’a aimés, c'est-à-dire fermés avec un baiser, à l’instant suprême ?

  1. Chants des Flamands, recueillis par M. de Coussemaeker.