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Un ami qui nous fut bien cher à nous et à tous les gens de lettres, Alphonse Rabbe, mort sans avoir révélé toute la portée de son génie, disait souvent, en parlant de Lafayette : Le héros des deux mondes sera le héros de deux révolutions.


15. Au Louvre, citoyens !…

C’était l’inscription crayonnée en blanc sur les panneaux fermés de mille boutiques. Le détachement qui se porta sur le Louvre par les rues Montmartre, du Mail et Croix-des-Petits-Champs, était commandé par les héroïques enfans de l’École Polytechnique. Les dames, sur les balcons, agitaient leurs mouchoirs et les saluaient des cris de vive l’école polytechnique !


16. … Sublimes saturnales !

Les Tuileries prises d’assaut, le peuple se précipita dans ce repaire de la tyrannie. Rien ne fut pillé, hors quelques marabouts qui servirent d’aigrettes aux chapeaux des ouvriers. Chaque vainqueur s’assit un instant sur le trône : c’était une fantaisie bien excusable dans ce grand jour.


17. Lieux saints que désola le fer et le canon.

Ces monumens populaires élevés au Louvre et sur le marché des Innocens, arrachent les larmes. Qu’y a-t-il ? Rien, quelques bougies allumées, des rosettes tricolores, et cette inscription sur papier : Morts pour la liberté ! Le cœur se serre, on tombe à genoux, on pleure avec les familles en deuil, avec les jeunes filles qui jettent sur la fosse des fleurs et des couronnes.

Le 29 au soir nous allions à l’Hôtel-de-Ville ; la foule, dans la rue Saint-Honoré, s’était arrêtée et barrait le passage ; vingt jeunes gens, tête nue et marchant avec lenteur, portaient un