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J’ai devant moi au moins une douzaine de ces notices nécrologiques et je regrette que le cadre de ma chronique ne me permette pas de les donner en entier. Quand il s’agit de faire ressortir les parties les plus saillantes de ces chefs-d’œuvre littéraires, j’hésite vraiment tant le choix est nombreux et varié.

Pour trancher la difficulté, je prends au hasard. Les doléances adressées à une jeune mère sur la perte de son bébé sont les premières qui me tombent sous la main.

Après s’être longuement étendu, avec une complaisance presque coupable, sur la fragilité des choses humaines, et déploré l’évanouissement des projets fondés sur ces «  jeunes fronts olympiens » (?), l’auteur s’adresse dans le transport de son émotion à la mère elle-même et s’écrie :

«  Console-toi, chère cousine ! Tu n’entendras plus, il est vrai, son gentil babil, son charmant gue… gue… gue, que tu aimais tant… »

Plus loin encore, perçant d’un œil inspiré la distance qui le sépare du céleste empyrée, il lui montre « son poupon » jouant avec les anges.

Le mot poupon, dans une circonstance aussi solennelle, donnerait aux esthéticiens des ébranlements cérébraux. Un poupon qui fait gue, gue, et qui meurt, là, qui meurt comme les autres, c’est à ne jamais s’en consoler.

Passons maintenant au décès d’un jeune écolier qui, pour me servir de l’expression du scrupuleux panégyriste «  faisait ses 3èmes années française et anglaise. »

Au dernier congé «  il était encore, ou du moins semblait être tout rayonnant de santé : après le souper, il fut vu suivant, mais avec une gaieté de mauvais aloi, le corps de musique du collège. »

C’est cette gaité de mauvais aloi qui l’a tué, j’en suis sûre.