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changement dans sa vie, ce n’est point à cause du sang royal qui coule dans ses veines, mais parce que je vois en elle plus qu’une princesse : j’y vois une femme.

Ni la fortune, ni le rang, ni les grandeurs ne peuvent pétrir un être humain autrement que ne l’est un autre moins favorisé sous le rapport des biens de ce monde.

Nous avons tous une âme, nous avons tous un cœur, avec des facultés plus ou moins développées, et la douleur est la loi commune.

Ce que nous ressentons dans la sphère d’intelligence où Dieu nous a placés, ceux qui nous précèdent ou ceux qui nous suivent dans l’ordre social le ressentent comme nous.

Il est donc permis de juger les autres d’après nos propres sensations, et de pénétrer un peu le secret de la vie privée que recouvre le masque habituel dont il faut se servir dans les rapports avec le public.

Il n’y a pas bien des mois, quelques semaines à peine, l’univers entier s’était senti profondément ému du malheur qui venait frapper cette jeune princesse, par la perte d’un fiancé, jeune et beau, fauché en plein printemps, au moment où la vie s’offrait, pour tous les deux, si riante et si douce.

Dieu sait tous les cœurs que cette catastrophe imprévue surprit alors, et les douloureux échos que le dénouement tragique vint réveiller dans les âmes. Dieu sait tous les chants que ce triste départ a inspirés, et que, dans les nombreux et sincères témoignages de sympathie accordés à l’aïeule, au père, à la mère du royal héritier, la plus grande part revenait à la jeune fiancée, promenant, en pleurant dans les vastes salons de Sandringham, une affliction qui ne voulait pas être consolée.

Si la mort du prince Victor a produit une profonde impression, et si les peuples se sont sentis touchés quand