Page:Barre - Le Symbolisme, 1911.djvu/58

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
42
LE SYMBOLISME


Une heure viendra où tous ceux qui aimaient le poète disparaîtront et le poète sera seul :

Jamais deux enfants purs, deux anges de promesse
Ne tiendront suspendu sur moi durant la messe
Le poêle jaunissant............
Jamais sur mon tombeau ne jaunira la rose
Ni le jaune souci.


N’est-ce pas là une poésie purement symboliste, celle des nuances indécises, quelque chose comme un tableau de Carrière mis en vers par un disciple de Verlaine. Sainte-Beuve d’ailleurs prétend trouver à d’autres sources une inspiration féconde ; Chateaubriand, Lamartine, Victor Hugo et Nodier ont épuisé à son sens les motifs de lyrisme grandiose :

Moi j’aime à cheminer et je reste plus bas.
Quoi ? des rocs, des forêts, des fleuves ? Oh ! non pas !
Mais bien moins, mais un champ, un peu d’eau qui murmure,
Un vent frais agitant une frêle ramure, etc.....


Si ces vers avouent l’impuissance du poète à traiter les grands sujets, ils prédisent aussi l’avènement d’une poésie moins élevée, mais également intéressante.

À ce lyrisme nouveau devait correspondre une prosodie nouvelle. Sainte-Beuve en indique timidement les règles et en risque quelques exemples. Dans l’épître adressée à Villemain il formule, de façon assez peu claire il est vrai, tout un art poétique :

Plus est souple le vers et côtoyant la prose,
Plus pauvre de belle ombre et d’haleine de rose
Et plus la forme étroite a lieu de se garder.
. . . . . . . . . . . . . . . .
C’est la rime avant tout de grammaire et d’oreille,
C’est maint secret encore, une coupe, un seul mot
Qui raffermit à temps le ton qui baissait trop,
Un son inattendu, quelque lettre pressée,
Par où le vers poussé porte mieux la pensée.