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LES PRÉCURSEURS DU SYMBOLISME


Quant à la forme, les mystiques du xvie siècle sont les élèves respectueux des grands rhétoriqueurs. Ils croient indispensable d’imiter la virtuosité des « bons facteurs », Jean Molinet, Jean Meschinot, Guillaume Cretin, et de leurs disciples Jean le Maire de Belges, Octavien de Saint-Gelais et même Jean Bouchet. Comme eux Maurice Scève et Philibert Brugnyon [1] ont leurs allitérations, leurs répétitions de syllabes, leurs néologismes et leurs étrangetés de syntaxe, tous ces casse-tête enfantins qui servent à cette époque de critérium à l’art du parfait poète. Thomas Sibilet, dans son Art poétique françois pour l’instruction des jeunes studiens, donne le catalogue de tous les procédés extravagants de métrique alors en honneur : « suite de rimes redoublées dites kyrielle, rimes fratrisées, annexées, batelées, emperières à triple couronne…, etc… » Jacques Pelletier, mathématicien poète, que ce code poétique ne satisfait pas, entreprend de discuter la technique du vers français. Prosodie et grammaire sont donc par le groupe de Lyon soumises à rude épreuve. L’évolution spiritualiste de l’esprit poétique s’accorde ici avec une certaine révolution dans la forme [2].

3. Après les demi-succès de cette école, il faut dans la littérature française descendre au xviiie siècle pour retrou-

  1. Nous avons cru inutile d’insister davantage sur ces deux auteurs après les thèses dont ils ont fait l’objet. Cf. sur Scève : Albert Baur, Maurice Scève et la Renaissance lyonnaise. Paris, Champion, 1906, in-8 ; sur Brugnyon : M. Brunot, De Philiberti Bugnonii vita et eroticis carminibus. Lyon, Storck, 1891.
  2. Cf. sur les rapports entre le symbolisme du xvie siècle et celui du xixe les articles de F. Brunetière, Symbolistes et décadents (Revue des Deux-Mondes, 1er mars 1888, p. 217 et 1er novembre 1888, p. 215) et aussi Raoul Rosières, Une Ancienne école littéraire (Revue bleue, 17 octobre 1891), où du reste l’auteur n’a vu dans le mouvement symboliste qu’une révolution de langage et a confondu les grands rhétoriqueurs et leurs disciples immédiats avec les contemporains symbolistes.