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LE BILAN DU SYMBOLISME

nomène accidentel, il ne manque pas de présomption antiscientifique ! Le symbolisme a donc failli à la vérité historique quand il a tenté de confondre à nouveau deux arts voisins qui par raison vitale avaient consenti jadis un divorce profitable. Reste il est vrai la traduction par des termes concrets d’images abstraites ! C’est assurément là un procédé propre à étendre la compréhension d’une langue. Mais sur ce point les symbolistes n’ont qu’exagéré des habitudes familières aux auteurs les plus anciens. Dans la réforme syntaxique, il ne demeure donc à l’honneur du symbolisme que de demi-résurrections. Il a rappelé avec insistance que l’harmonie imitative était un des moyens les plus féconds d’évocation poétique. Il a, après d’autres classiques, marié l’abstrait et le concret en concrétisant le premier, en abstractisant le second.

La réforme lexicographique aboutit à un échec presque aussi complet. C’est une ambition commune aux novateurs de vouloir enrichir la langue de vocables pittoresques ou d’expressions inédites. Mais l’expérience a tôt fait de guérir cette ardeur. Entend-on restaurer les mots endormis dans le passé, on se leurre en supposant que le langage vit ou meurt aux ordres de telle ou telle volonté. Une langue est un organisme que le temps a mis à l’épreuve. L’usage n’a sauvé de l’océan des mots que les termes qui répondaient à un besoin immédiat dans les conditions de clarté et de rapidité particulières à l’idiome. Les autres ont été jugés inutilisables. Ils n’ont pu soutenir l’épreuve du parler quotidien et ils sont tombés dans l’oubli. On peut avoir quelque succès à les tirer de leur sommeil, si le peuple, ayant contracté de nouvelles habitudes, rencontre dans ces fantômes le graphique adéquat à ses idées présentes. Toutefois l’aventure ne manque pas d’aléa. Le peuple crée les mots dont il a besoin presque instinctivement sans se demander si le passé renferme ou non ce qu’il cherche. Des érudits peuvent faire effort pour l’amener à adopter d’anciens vocables. Il s’y résigne le plus