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LE BILAN DU SYMBOLISME

synthétique dans laquelle se révèlent les phénomènes de l’Inconscient. On en bouleversa l’économie ; par souci d’adaptation on exhuma des tournures que l’âge avait condamnées, on chercha dans les balbutiements de la syntaxe des ressources qui bientôt furent insuffisantes, jusqu’au jour où, lassé de tant de résurrections impuissantes, on se décida à faire entendre à la fois dans le chant poétique toutes les cordes de la lyre. Euterpe prêta ses flûtes à Polymnie et Mallarmé orchestra des poèmes comme Wagner des opéras.

Les deux temps de crise qui agitent la syntaxe traversent également le vocabulaire. Les archives lexicographiques se métamorphosent en Pactole qui inonde littéralement la fin de ce dernier siècle. A l’envi, le latin et le grec marient leurs sources de vocables, jusqu’au jour où cette rénovation philologique apparaît fort au-dessous du labeur qu’on lui réclame. Alors l’école romane cède le pas à l’instrumentation verbale et Moréas s’efface devant René Ghil.

Il y a donc dans le symbolisme un parti de Girondins et un parti de Jacobins. Les réformateurs ouvrent la brèche, les révolutionnaires y passent pour dynamiter les remparts.

Que vaut l’œuvre des uns et des autres ? Quelle est exactement la portée de la besogne accomplie ?

La réforme poétique est d’une importance capitale. Elle apporte en effet à la poésie lyrique un thème nouveau. La Nature, l’Amour et la Mort sont les thèmes traditionnels du lyrisme. La littérature française tout entière repose pour ainsi dire sur ces trois sujets fondamentaux. Les poètes les ont plus ou moins traités suivant la civilisation au milieu de laquelle ils évoluaient, c’est-à-dire suivant les préoccupations générales de leur siècle. Il est évident que l’Amour et la Mort sont les deux problèmes qui ont le plus violemment retenu la curiosité d’une humanité primitive. La Nature, telle qu’on la voit s’épanouir chez les précurseurs des Romantiques, n’a mérité qu’après ces deux thèmes l’attention des écrivains. Alors que l’Amour et la Mort