maticales, et fort compliqués ; à son dernier poème en prose
il mêlait encore des vers dont l’obscurité pèse lourd à sa conscience.
Aujourd’hui, la trentaine arrivant, il estime qu’une
toute petite émotion, le moindre cri de passion humaine, pour
peu que cela sorte en une expression précise et claire, c’est
de l’art à meilleur titre que les échafaudages merveilleux où
d’ailleurs qui que ce soit de seulement intelligent peut
paraître exceller. Mallarmé, c’est le génie exceptionnel,
affiné jusqu’aux plus inaccessibles délicatesses que nous
vénérons d’une respectueuse admiration ; mais l’éternelle
poésie humaine, n’est-ce pas Laforgue, Verlaine, Musset ? »
Le rythme personnel en accord direct avec l’impression du
moment, voilà pour Édouard Dujardin le secret de la vraie
poésie : s’exprimer selon l’heure dans une forme assez souple
pour emprisonner les sensations les plus ténues, telle est
l’unique loi de poésie.
11. Adolphe Retté. — C’est aussi l’absolue conviction d’Adolphe Retté. Farouchement épris de liberté, dans la vie comme dans le rêve, ce poète au temps des enthousiasmes juvéniles se rebellait contre tous les jougs. Comme mesure de sécurité littéraire il conseille en conséquence à tous ceux qui veulent conserver leur originalité de fuir les écoles poétiques quelles qu’elles soient : « Garde-toi, dit-il au jeune poète, de l’école romane où l’on apprend à tisser des tapisseries avec de vieilles laines et des ors ternis, où l’on t’imposerait le respect des mythologies défraîchies, où tu deviendrais un néo-grec douteux et un graeculus véritable. » — Garde-toi de l’école traditionnelle : « On y défend la tradition, on y replante sur leur soc des statues avariées, effondrées. » Garde-toi des catholiques : « Tu les repousseras lors même qu’ils mettraient du génie à exalter le dogme et l’ivresse mystique, car tu n’a pas besoin de dogme et ton mysticisme tu le trouveras en toi, sans le secours des images et des bréviaires. » Garde-toi enfin des symbolistes : « Ames chantour-