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LE SYMBOLISME

Rousseau, de Bernardin de Saint-Pierre, de Mme de Staël et de Chateaubriand. Puis il avait remarqué qu’à cette action du monde extérieur correspondait une réaction de l’être intérieur. Selon la formule d’Hugo, son âme avait été « l’écho sonore, placé au centre de l’univers. » Son idéalisme s’était appelé romantisme. Bientôt la nature insaisissable dans son essence lui était apparue comme un ensemble de lois sous lesquelles le monde et l’homme étaient courbés par la volonté divine. Il avait essayé d’approfondir ces lois, de connaître les objets au milieu desquels il évoluait en eux et entre eux. Avec la pensée qu’il réaliserait plus tôt son idéal, s’il pénétrait mieux la matière à laquelle il était lié de toute fatalité, il avait passionnément analysé la réalité apparente. Son idéalisme s’était un instant effacé derrière son positivisme, son réalisme. A présent, l’inanité du naturalisme l’incitait à reprendre la voie ancienne. Il connaissait son moi ; il n’ignorait plus le monde extérieur. Il savait les rapports du subjectif et de l’objectif. Le rationalisme et l’empirisme avaient tour à tour éclairé ses recherches. Malgré une conscience plus nette de sa propre force et une perception moins confuse du monde auquel il appartenait, il se retrouvait en face du néant qu’il n’avait pas vaincu, espérant toujours, sentant plus âprement qu’après la double épreuve de la raison et de l’expérience, le mystère conservait encore la clé de l’inconnaissable. Comme au début de sa carrière, il était assailli de préoccupations métaphysiques, et cela au moment même où les hideurs naturalistes le détournaient avec dégoût de l’expérimentation, à l’heure précise où des lumières surgies du nord projetaient sur les ténèbres du néant les rayons d’un spiritualisme divinateur.

La poésie n’avait plus désormais qu’un programme : exprimer le mystère auquel l’homme finissait toujours par se heurter. Le poète devait redevenir le vates au sens où l’entendait l’antiquité. Il écouterait vibrer son cœur sous les ondes émanées du grand inconscient. Sa lyre en traduirait