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LES MALLARMÉENS


Il jure :

Les dieux s’en vont ; plus que des hures ;
Ah ! ça devient tous les jours pis[1] ;


Il risque des calembours :

Je vais jouer un Miserere
Si cosmiquement désespéré
Qu’il faudra bien que Dieu me réponde[2]

Soleil — crevant, encore un jour.
Vous avez tendu votre phare[3]


Il s’amuse à imiter les gens de la rue. Il abrège ses mots :

Puissent mes feuilleteurs du quai
En rentrant se r’intoxiquer
De nos aveux, ô pur poète,
C’est la grâce que je me souhaite[4].


Il les accommode à la prononciation populaire :

— Bien sûr. C’est ce que je veux
Ah ! Je suis-t-il malhûreux[5]


Il adopte le vocabulaire des tavernes ou du trottoir, ainsi que le prouvent certaines trivialités des Soirs de carnaval [6]. Sa plus grande originalité réside dans la confection des néologismes. Il y est hors de pair et ses procédés sont à vrai dire ébouriffants. Il dérive des verbes en er : auber, bigarrant, condimenter, elixirer, féliner, ubiquiter, virguler [7], en iser : ascétiser, hallaliser [8] et des adjectifs : hosannahles, obéliscal, sangsuelles, voluptial [9]. Il emprunte des mots au latin : albe,

  1. Poésies. Comp. : l’Imitation de Notre-Dame la Lune : Encore un livre.
  2. Complainte de l’organiste de Notre-Dame de Nice.
  3. Poésies comp. Complainte du roi de Thulé.
  4. A Paul Bourget.
  5. Autre complainte de l’orgue de Barbarie.
  6. Cf. aussi Poésies comp., 114, 145, 33.
  7. Poésies comp., 88, 15, 58, 10, 18, 90, 2.
  8. Poésies comp., 211, 34.
  9. Poésies comp., 162, 20, 128.