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LA GENÈSE DU MOUVEMENT SYMBOLISTE

démoli et écrasé. » Il prouvait non seulement la toute-puissance de l’art, mais il indiquait les sources où on pouvait la rajeunir. En exaltant la fierté de l’artiste il lui découvrait les cavernes où gisaient d’abondants trésors. Par la théorie comme par l’exemple, il restituait à la beauté, qu’avait ravalée le naturalisme, le flamboiement de l’idéal et l’attrait mystérieux de la religiosité.

8. Sous l’effet de ces divers facteurs, évolution spiritualiste de la philosophie, impassibilité stérile du Parnasse, platitude pornographique du naturalisme, idéalisme fécond des écrivains anglais, russes et allemands, la littérature française faisait son examen de conscience. Épouvantée de son naufrage dans les bourbiers de la bestialité, elle se disait que sa tradition n’était absolument ni le naturalisme extérieur, pittoresque ou descriptif par où l’école de Médan prétendait la démocratiser, ni le naturalisme intérieur ou psychologique par lequel Bourget essayait encore timidement d’enrayer le péril. A travers l’histoire, elle se rappelait que l’idéalisme avait toujours été la fin qu’elle s’était proposée. Au début, l’homme, étonné par le mystère de la mort, avait tenté de surprendre le secret de son créateur et d’exprimer les raisons suprêmes de la destinée. Cela avait été, dans l’indécision de la voie à suivre, le vagissement mystico-réaliste du moyen âge. Mais, ayant bientôt pris conscience de l’insuffisance des moyens dont il disposait, il s’était mis à étudier en lui les phénomènes par lesquels il avait la perception de Dieu et son idéalisme s’était traduit par le rationalisme du xviie siècle. En pénétrant la complexité de l’âme humaine, il s’était aperçu que la vie intérieure n’était pas faite uniquement du heurt réciproque de nos facultés, que l’âme éprouvait du dehors des impressions encore ignorées par l’analyse. Rendu par cette découverte à la conscience du non-être, il avait compris la nécessité d’étudier le monde extérieur ; son idéalisme avait alors inspiré le lyrisme de