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LE SYMBOLISME

du moyen âge, le détraquement corps et âme d’aujourd’hui et les pantins japonais ni corps ni âme [1] », tout cela, ce sont des gestes d’humanité, au fond desquels s’abrite une parcelle d’inconnu et par conséquent de nouveau. L’art a précisément pour fin de dégager ce nouveau. Il représente à travers les siècles, les archives dans lesquelles l’humanité dépose les pièces commémoratives des victoires qu’elle a remportées avec tant de lenteur sur l’inconscient. L’art moderne a donc raison de s’attacher à la recherche du nouveau et de revendiquer dans ce but la liberté la plus absolue. « De par son principe d’évolution, il est fondé à ne préconiser d’autre objectif en général que du nouveau, du nouveau, et indéfiniment du nouveau ; après l’éginétisme, l’hellénisme, le byzantinisme, la renaissance, le rococo, le romantisme, le réalisme, le préraphaëlisme, le fortunysme, le japonisme, l’impressionnisme, le nihilisme, bref uniquement ce que l’instinct des âges a toujours exalté, en proclamant génies, selon l’étymologie du mot, ceux et seulement ceux qui ont révélé du nouveau et qui par là font étape et école dans l’évolution artistique de l’humanité… Seul et de par son principe, il est fondé à ne condamner que ce que les vrais artistes ont de tous temps condamné et secoué, l’école, les codes à conventions de goût sur le beau moral, le beau physique, l’harmonie, le style, etc…, tout ce qui est église constituée, en dehors de laquelle point de salut, hiératisme, académisme… Enfin son principe est l’anarchie même de la vie : laissez faire, laissez passer ; ne sachons que nous enivrer des paradis sans fond de nos sens et fleurir sincèrement nos rêves sur l’heure qui est à nous. L’inconscient souffle où il veut ; le génie saura reconnaître les siens, et le parfum unique, qui doit naître de tous ces riches gaspillages anonymes d’un jour, en naîtra sublimé selon l’infaillible loi [2]. »

  1. Notes d’esthétique, p. 485.
  2. L’Art moderne en Allemagne, p. 296.