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LE SYMBOLISME

strophe originale et d’écrire son rythme propre et individuel au lieu d’endosser un uniforme taille d’avance et qui le réduit à n’être que l’élève de tel glorieux prédécesseur [1]. » Avec Gustave Kahn, la poésie, parvenue à un stade nouveau d’évolution, proclame l’avènement de la liberté absolue, car les exemples donnés par l’auteur dans ses poèmes sont purement personnels et n’excluent aucun module différent. La poésie française a atteint l’âge de raison ; elle se développe désormais selon la loi de bonne anarchie, conformément aux impulsions de l’individu. Gustave Kahn a sonné le glas de l’autorité et préparé le triomphe de l’Individualisme.

8. Jules Laforgue. — Gustave Kahn avait, par le principe d’évolution, légitimé la nécessité du vers libre. Les théories de Darwin retrempées dans la métaphysique de Hartmann, président également à l’art poétique de Laforgue. Le lecteur de l’impératrice Augusta avait lu et profondément médité les philosophes allemands. Il leur doit une véritable esthétique de l’Inconscient.

Aujourd’hui, pense Laforgue, les hommes ont tort de rechercher la vérité dans la culture exclusive de la raison, de la logique et de la conscience. La raison et la logique aboutissent à la stérilité : « Nous allons à la dessication ; squelettes de cuir à lunettes, rationalistes, anatomiques [2]. » La conscience n’implique pas le parfait. « Elle n’est pas un état fixe, mais un processus, un devenir perpétuel [3]. » Il n’y a qu’une source de la vie. C’est l’Inconscient. « Il est la raison explicative suffisante, unique, intestine, dynamique, adéquate de l’histoire universelle de la vie [4]. » Il est plus, il

  1. Préface sur le vers libre.
  2. Inédits de Laforgue. Entretiens politiques et littéraires, 1892, t. IV, p. 50.
  3. Posthumes de Laforgue. Revue blanche, 1896, t. X.
  4. Un Carnet de notes. Revue blanche, 1896, t. X, p. 248.