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LES VERLAINIENS

Et mes pieds sont las,
Il était partout, mes sœurs,
Et n’existe pas[1]


Pareils aux trois sœurs aveugles, nous avons des lampes d’or pour nous éclairer. Mais nous marchons dans les ténèbres, car nos yeux ne voient point. Nous n’en allons pas moins hardiment en conservant l’espoir même après les pires déceptions. Ainsi les trois sœurs aveugles sont montées au sommet de la tour. Après sept jours d’attente, l’une a cru percevoir l’arrivée du roi. Ce n’était que le dernier souffle des lampes :

Non, dit la plus sainte
(Espérons encore).
Non, dit la plus sainte.
Elles se sont éteintes[2].


Les lampes s’éteignent toujours, d’ailleurs, dès qu’on touche au seuil du mystère. Voici la mère qui s’approche avec sa lampe allumée ; elle n’est pas frappée de cécité ; elle voit et elle a peur des choses quelle voit. A la première porte, la flamme a tremblé ; à la seconde, la flamme a parlé ; à la troisième, la flamme est morte [3]. C’est que de l’inconnaissable rayonne une énergie qui paralyse les courages les plus décidés. Les filles aux yeux bandés ont cherché leur destinée. Elles ont ouvert à midi le palais des prairies. La vérité sans doute, s’est pour elles un peu dévoilée. Prises aussitôt de peur, elles ont salué la vie et ne sont point sorties [4]. Les sept filles d’Orlamonde renouvellent ce geste de prudence. Elles ont cherché les portes, ont ouvert les tours et quatre cents salles sans trouver le jour. Arrivées aux grottes, elles sont

  1. Chanson IX.
  2. Chanson IV.
  3. Chanson V.
  4. Chanson VIII.