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LE SYMBOLISME

Sous le souffle divin, il la fera renaître,
Fils des premiers voyants, fils des chanteurs sacrés,
Cette antique union du Poète et du Prêtre,
Tous deux consolateurs, et tous deux inspirés !


Le Cardonnel, qui confond ainsi la poésie et le sacerdoce, est un admirateur des poètes anglais. Dans un poème d’une belle envolée, il magnifie Alfred Tennyson et, à son école, il veut joindre aux clartés de France, la mélancolie, et, l’extase qui caractérisent le chant des bons harpeurs d’outre-Manche. Comme eux les Français ont


Le don mystérieux d’éveiller l’Infini.


Il ne leur manque que de transporter dans leurs vers la nostalgie des poètes du Nord. Le Cardonnel réalise cette ambition, d’abord en nourrissant sa pensée de ce vague pessimisme que suggère l’expérience de la vie et de ce clair-obscur derrière lequel les mystiques entrevoient luire l’espérance, ensuite en s’efforçant de traduire ces impressions par une forme essentiellement musicale :


Oh ! musique de l’âme en paroles redite,
Harmonieux appel d’un cœur à d’autres cœurs,
Chant léger qui, plus doux que l’air de mai, palpite,
Sereine mélodie, en qui les grandes sœurs
Trouvent la majesté de leur geste redite[1] !


Ses moyens dans ce domaine sont variés et d’une heureuse originalité. Il use volontiers d’allitérations et pratique les sonorités intérieures dans les vers :


C’est l’effort, c’est l’essor de la suprême sève[2].

  1. La Louange d’Alfred Tennyson.
  2. En Forêt.