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LE SYMBOLISME

littérature du xviie siècle conserve une éternelle jeunesse. « La forme est admirable, écrit au sujet des Stances M. Émile Faguet, d’une pureté absolument classique, avec le goût des images justes et le don de les trouver toujours sans effort. » N’est-ce pas là, du seul point de vue de la forme, un brevet de classicisme contresigné par un maître même de l’art classique ?

Le rythme aussi a subi l’empreinte de cette sagesse traditionnaliste. Il n’y a point dans les Stances de nouvelletés restaurées de l’ancienne versification. Malherbe a condamné les libertés de Ronsard et de Du Bellay. Moréas souscrit à la condamnation. Le vers libre est proscrit. Le poète n’ose même se permettre ces combinaisons de mètres variés qu’il prétendait imités de La Fontaine. Il n’use que de mètres à forme fixe, alexandrin, décasyllabe, octosyllabe, d’un module absolument traditionnel. Chaque vers est le plus souvent complet pour le sens comme pour l’harmonie. L’idée et le rythme ne chevauchent plus, comme jadis, à travers des mètres alignés en kyrielles au long des pages. L’un et l’autre bornent leur ampleur à la strophe, et celle-ci n’a plus rien de capricieux. Elle est simple, généralement pas plus de quatre vers, qui se scandent avec la même régularité et la même facilité que le vers classique. La césure principale garde partout sa place normale. La rime est correcte ; les assonances ont disparu. Le poète leur préfère la rime suffisante et pratique, autant qu’il peut, la rime riche avec consonne d’appui dans les polysyllabes. L’alternance des rimes se fait régulièrement, une féminine suivant toujours une masculine et réciproquement. Là, encore, le fougueux instaurateur des coutumes de versification, abolies par la réforme, l’orgueilleux « oseur d’aucunes siennes nouvelletés », est devenu le classique au goût sûr, qui distingue enfin la musique de la poésie et met son point d’honneur à parfaire des vers simples, d’une harmonie sévère, et d’un rythme évident.

C’est ainsi que Jean Moréas a réalise « l’une des manifes-