classique, ensuite que ses réformes métriques sont largement dépassées par les audaces des verslibristes. Mais il est en vérité le seul dans le mouvement poétique à avoir inauguré, avec quelque bonheur, une rénovation de la langue. Il y restreint aussitôt son ambition. C’est d’ailleurs un romaniste érudit, un spécialiste dans la littérature française antérieure au xviie siècle. Il a approfondi les chansons de gestes, analysé les fabliaux, prisé la joliesse de Charles d’Orléans, s’est enthousiasmé de cette richesse d’épithètes, de cette fertilité de couleurs qui sont l’apanage de Rémi Belleau, de Ronsard et généralement de la Pléiade. Rabelais et les écrivains de la Renaissance n’ont pour lui aucun secret. Il a débuté dans les lettres par une étude patiente et consciencieuse des vieux auteurs. Il a publié dans la Revue indépendante une adaptation d’Aucassin et Nicolette et donné une traduction en texte rajeuni de l’Histoire de Jean de Paris, roi de France. Interwievé parle hollandais Byvanck, il peut donc lui déclarer sans faux orgueil : « Dansée domaine-là, je me sens supérieur à tous, parce que je connais les richesses cachées de notre langue [1]… » Aussi, après les premiers coups portés dans la mêlée symboliste, dédaignant toutes les manifestations antérieures de son activité poétique, tente-t-il résolument de rétablir la tradition française, suspendue par les xviie et xviiie siècles, en retrempant la langue moderne aux sources du vocabulaire roman. Dès 1892, son parti est déjà pris. Il écrit en tête d’une nouvelle édition des Syrtes : « L’auteur a peu d’amitié aujourd’hui, non seulement, pour cet essai de sa jeunesse, mais même,pour un autre acte de ses ouvrages plus accompli : les Cantilènes… ; s’il consent à laisser réimprimer les Syrtes, c’est uniquement pour ce que ces vers marquèrent, à leur apparition, la première hardiesse d’une école poétique éphémère, mais qui fut alors légitime… » Toutes ces audaces philosophiques et prosodiques n’avaient qu’un but : « préparer par quelques-unes de leurs qualités
- ↑ Cf. Aussi Jules Huret, Enquête sur l’évolution littéraire, p. 79.