ressemblent à des traductions indécises, de la gentillesse, de la grâce, de la fantaisie, de la subtilité, du précieux, de la naïveté comique.
La langue du Pèlerin passionné est nettement archaïque.
Les mots anciens y abondent : baller pour danser, épanie
pour épanouie, sade pour jolie, cuider pour croire. L’infinitif
est fréquemment employé comme substantif, et le participe
présent comme adjectif ; plusieurs mots sont tirés
directement du latin, sans autre déformation que l’affaiblissement
en muette de la syllabe finale, fulve trop immédiatement
transcrit de fulvus. La syntaxe du moyen âge est
pieusement imitée. Pas ou peu de pronoms sujets ; le verbe
occupe toutes les places dans la phrase ; il arrive souvent
que le régime le précède ainsi que l’attribut. Le poète
recherche ouvertement le pléonasme avec le relatif :
Et toi son cou, qui pour la fête tu le pares.
La versification révèle des audaces encore plus graves ; c’est la première fois d’ailleurs que le poète ose aller jusqu’aux extrêmes conséquences de sa doctrine. Il semble qu’il l’ait fait laborieusement, avec une révolte constante de son instinct poétique contre les règles qu’il s’était rationnellement imposées. Il a des strophes qui sont typographiquement curieuses, celles du poème d’Agnès par exemple, composées de huits vers à rimes alternées. Ces vers sont pour la plupart impairs. Ils ont 11, 19, 9, 9, 12, 7, 13 et 7 syllabes [1]. Il y a des vers de 13 pieds, d’autres qui sont rallongés jusqu’à 14, 15 et même 17 pieds sans qu’il soit possible de discerner les raisons essentielles de ce prolongement. Il y a enfin des vers sans césure, qui, déclamés par l’auteur, paraissent des trouvailles heureuses, mais qui à la lecture ont un charme difficile à retrouver. Les rimes sont souvent
- ↑ Cf. la strophe qui commence par : Sœur, douce amie…