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LE SYMBOLISME

dans son manifeste du Figaro il avait indique, comme une des nécessités les plus profitables à notre style, le retour à l’ancien langage français. Il reprend cette thèse et la développe avec l’ardeur particulière d’un philologue qui connaît son terrain et qui s’y sent maître. « J’estime, écrit-il, que depuis le xvie siècle finissant, on a appauvri, desséché et gêné notre langue. » Les romantiques ont bien tenté de régénérer ce vocabulaire qui dépérissait d’une multitude de termes proscrits ; mais ils ont péché par une syntaxe décousue, sans race. Ils ont omis maints mots, maints tours précieux de l’ancienne langue. Et pourtant celui qui connaît la littérature médiévale sait quel riche héritage elle recèle. C’est avec les grâces et les mignardises de cet âge verdissant, qu’il rehaussera de la vigueur syntaxique du xvie siècle, que Moréas constituera une langue digne de vêtir les plus nobles chimères de la pensée créatrice.

Quant au rythme, toujours selon la même évolution logique et indubitable, il développe les réformes exposées dans son manifeste et prudemment risquées dans les Syrtes et les Cantilènes. Il insiste sur le droit de varier la position de la césure ; mais, de la mobilité même de cette césure, il tire argument en faveur de la déformation par allongement des mètres fixes. Si la césure en effet est ce qui distingue rythmiquement le décasyllabe et l’alexandrin de tous les autres vers français, il convient d’allonger l’octosyllabe conformément à sa césure muable jusqu’où la nécessité musicale décidera en chaque occurrence. Par raison musicale aussi, le poète recourra à des mètres inégaux qu’il entrelacera pour accorder des polyphonies adéquates à la pensée exprimée, et en cela il ne prétend que reprendre la conception « toutefois élargie de La Fontaine ». Enfin, il emploiera le vers libre ; il n’usera de la rime tantôt riche, tantôt alanguie jusqu’à l’assonance, que comme d’un moyen rythmique, sans en faire le vers tout entier et même, le cas échéant, il ira jusqu’à l’omettre. Ainsi il réussira à enchanter le rythme de