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LE SYMBOLISME


Son œuvre relève en effet de quatres périodes différentes ! La première durant laquelle l’écrivain, sans percevoir assez ce que réclame son propre génie, accepte prématurément les théories du symbolisme et s’en fait, devant le public, le protagoniste attitré ; la seconde où tourmenté par des inquiétudes lexicographiques, il essaie d’orienter le mouvement poétique vers un passé qu’il juge avec plus d’enthousiasme que de sens critique ; la troisième qui marque ses hésitations en face de résultats où se satisfait mal son instinct poétique ; la quatrième où comprenant, avec la maturité, qu’on ne remonte pas le cours des siècles, il accepte enfin la discipline traditionnelle de la langue et s’évade du symbolisme pour conserver le sceptre des néo-classiques.

1. C’est à la première période qu’appartiennent les Syrtes et les Cantilènes. Ces poèmes fournissent une application des théories de la nouvelle école, théories formulées dans les Manifestes qu’accueillent divers journaux, le xixe siècle, le supplément du Figaro, le Symboliste et que Moréas réunit en 1889 dans une brochure intitulée les Premières armes du Symbolisme. La révolution, au service de laquelle Moréas met sa plume, porte sur les trois parties essentielles du poème, sur l’Idée, sur le Style et sur le Rythme.

Au point de vue de l’Idée, Moréas commence par établir une différence caractéristique entre le Parnasse et le Symbolisme. « Les Parnassiens, dit-il, considèrent dans les idées, les sentiments, l’histoire et la mythique, le fait particulier comme existant en soi poétiquement. » C’est une grave erreur. Le phénomène concret n’a pas d’existence en soi. Il n’est qu’une apparence derrière laquelle se dissimule l’Idée, le pur concept. Les actions humaines, les événements de l’histoire ou de la légende, les tableaux de la nature ne sont que des images qui traduisent, aux yeux des mortels, une des formes de l’Idée. Cette conception du monde est assez voisine de la théorie platonicienne des Idées. Les réalités sensibles