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LE SYMBOLISME

langue et que pour ainsi dire il les recrée véritablement. Il traite la césure en enfant terrible, lui donnant toutes les places possibles, car il convient, à son avis, de la distribuer dans le vers selon les exigences réclamées par l’oreille, soit pour un effet voulu, soit pour un mouvement particulier de la pensée.

Néanmoins le poète sauvegarde un certain rythme, quelquefois compliqué sans doute, mais toujours assez facilement perceptible. Là encore Verlaine n’a fait que plus souvent ce que Racine[1] s’était permis de temps à autre, ce que Molière osait poursuivre durant toute une comédie, ce que La Fontaine enfin regardait comme un moyen de naturel et de simplicité. Il a tenté des enjambements audacieux n’hésitant ni à séparer un complément de sa proposition :

… L’art japonais effraie
Mes yeux de Français, dès l’enfance acquis au
Beau jeu de la ligne[2]


ni a suspendre le sens après une négation ou un régime direct :

L’éditeur qui venait de ne
Vendre qu’une édition toute,
Bref répondit : Mon vieux vous me
Volez comme sur la grand’route[3]


ni même à couper un mot en deux :

… De ma mine affreuse-
ment peuple et sans nul galbe exquis[4].


ou bien quand il nie que Léon Deschamps

… soit le bienfaiteur qu’il pré-
tend être par mont et pré[5].

  1. Cf. par exemple Britannicus où Racine met indifféremment la césure après la 1re, 2e, 3e, 4e, 8e, 9e, 10e et même 11e syllabe du vers. Voy. vers 425, 387, 1504, 688, 1015, 425, 955, 1650.
  2. Épigrammes, III, 1.
  3. Invectives, XXIII.
  4. Invectives, VIII.
  5. Invectives, XVII.